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QUAND CHANTAIT LA CIGALE

évolue dans l’air limpide et tiède. Chaque unité du groupe se tient à sa place entre ses voisins et le peloton présente une surface, unie comme une nappe, et glisse dans le ciel bleu. Soudain, comme à un commandement, il prend une position verticale, forme une haie mouvante, filante. Après avoir décrit un demi cercle, les oiseaux s’abattent à leur tour sur les rameaux de l’orme. Pépiage et caquetage. Puis, la volée repart, survolant le champ, la route, le cimetière, s’éloigne et disparaît.

Une troisième, une quatrième, une cinquième volée prennent à tour de rôle leur essor et disparaissent dans le lointain bleu, léger.

Rien de charmant, de gracieux comme ces nuées grises, vivantes, qui évoluent et glissent dans l’azur.

C’est, je le devine, la migration de l’automne. C’est le départ pour des climats plus doux. Ces oiseaux nous quittent pour des régions plus clémentes. Ils partent par un bel après-midi ensoleillé.

Là-bas, un cultivateur laboure son champ.

Et la voix aiguë des criquets emplit la campagne. Nous allons sur la route grise, bercés par cette note monotone.

Et tandis que les oiseaux migrateurs fuient au loin, que l’homme des champs trace péniblement ses sillons, que le grillon jette sa note triste et que celui qui a porté mon nom dort solitaire dans l’enclos que domine une haute croix noire, Dearest et moi, nous allons sur la route bordée de fleurs sauvages et, dans la tiédeur de cette belle journée d’automne, nous nous efforçons de saisir tout le bonheur possible, parce que la vie est brève…