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LE RETOUR


Nous voici revenus en ville.

Brusquement nous nous sommes arrachés de la campagne et nous voici chez nous. Ce midi, en arrivant à la vieille maison blanche à Chateauguay, Dearest m’a dit : Il fait froid, il va pleuvoir. C’est triste comme tout. Si tu voulais nous partirions aujourd’hui.

Le ciel était gris, menaçant. D’énormes nuages sombres glissant et se poursuivant au ras de l’horizon donnaient l’impression d’un fantastique cortège funèbre. Un vent humide et glacial nous pénétrait. Au bord de la rivière, les ormes paraissaient hostiles ; leurs rameaux semblaient vouloir nous flageller. Une désolation infinie planait sur ce paysage que nous avions connu si lumineux aux belles heures de l’été.

— Partons, dis-je.

Déjà, les malles étaient prêtes, les colis préparés. Il ne restait que la cérémonie des adieux.

Nous pénétrons dans la petite cuisine où se tiennent tante Eulalie et cousine Thérèse. Notre départ les plonge dans la solitude, les laisse absolument à elles-mêmes. Nous prononçons de banales paroles, comme presque toujours à l’heure des séparations. Ce que nous éprouvons reste en nous.

Tante Eulalie va à la cave chercher une bouteille de liqueur au gingembre, remplit les verres et les passe à la ronde avec des tranches de gâteaux. Ce breuvage goûte la tisane. Il réchauffe l’estomac mais remonte à la gorge l’instant d’après.

Allons, il faut partir.