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LA VIE GRISE


En arrivant hier midi à la vieille maison de campagne, j’ai aperçu tante Eulalie qui, armée d’un balai, faisait la toilette de la place. Présentement, elle en était à la laiterie. Elle enlevait les toiles d’araignées accrochées au rebord du toit et aux murs blanchis du petit bâtiment, faisait disparaître la poussière déposée là par le continuel passage des automobiles. Sans doute en avait-elle fait autant pour la maison.

Sur la corde à sécher le linge se trouvaient les catalognes et les carpettes qui avaient reçu un lessivage en règle.

Après en avoir fini avec la laiterie, tante Eulalie s’est attaquée à la remise. Vêtue comme toujours d’une antique robe noire, quelques mèches grises collées à son visage sec et émaciée de vieille fille, elle range patiemment toutes choses, pendant à un clou un bout de corde qui traînait, serrant un outil, balayant le sol durci, et mettant la place propre et nette comme un salon.

Ensuite, elle s’est mise à nettoyer le devant de porte, ramassant quelques feuilles sèches ici et là, sur le gazon. Tout son après-midi s’est passé à balayer.

Après le souper, alors qu’il commençait à faire sombre, elle avait encore son balai et nettoyait, nettoyait, autour de la maison, devant la remise, partout.

Pour finir, elle s’est mise à laver la véranda.

Il était tard ; il faisait noir et froid. Chaudement enveloppé dans mon chandail de laine, je me promenais avec Dearest pendant que tante Eulalie récurait énergiquement les degrés du perron. Elle