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QUAND CHANTAIT LA CIGALE

fouler le sol. La voix joyeuse de la vibrante Cigale qui nous égaya si souvent de ses chansons et de ses histoires drolatiques se sera tue à jamais. Les formes harmonieuses de cette petite Margot dont les attitudes et les gestes sont empreints de tant de grâce seront détruites et son corps sera retourné à l’argile commune. Sa tâche finie, le vieux fermier dormira sous la terre d’un repos sans fin, et la brave fille qui, toute sa vie aima tant les fleurs, aura les yeux clos éternellement.

La petite maison blanche elle-même où des générations ont vécu des vies si calmes aura disparu, mais un autre toit abritera d’autres hommes et d’autres femmes assoiffés de bonheur. Les grands arbres sous lesquels je me promène seront tombés, mais d’autres auront repoussé à leur place et verseront sur d’autres êtres leur ombre bienveillante. Comme ce soir, des roses après avoir embaumé tout le jour, épandront un à un leurs pétales fanés sur le gazon, la rivière coulera doucement, comme endormie, la lune brillera dans le ciel bleu, mais la scène que je vois en ce moment sera effacée et nos cœurs débordants de désirs seront éteints à tout jamais.