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SUNT LACRYMAE RERUM


Le petit acacia est mort.

Planté à côté du perron, il balançait doucement l’été, à la brise ses grappes rose pâle au-dessus du toit de la vieille maison blanche.

Le jour de notre arrivée, il était tout fleuri, tout pimpant. Gentiment, joyeusement, il agitait ses aigrettes délicatement teintées, comme pour nous accueillir, nous souhaiter la bienvenue. Il semblait tendre vers nous des bras pleins de tendresse. En l’apercevant, une profonde allégresse était entrée en moi.

À cette heure, le petit acacia fleuri était comme l’enseigne du bonheur. Ses rameaux fins, droits, gonflés de sève, dressaient vers l’azur, vers le soleil, leurs grappes rose pâle.

Pendant des jours, il nous tint sous la magie de son charme et de sa grâce.

Et maintenant, le petit acacia est mort.

Je n’avais pas remarqué tout d’abord que le tronc était tout piqué de trous de vers et de larves. Il en était pourtant ainsi. De patients et persévérants destructeurs avaient de leurs vrilles acérées silencieusement percé et perforé l’arbre, l’avaient rongé jusqu’au cœur, lui avaient infligé des douzaines de blessures à peine perceptibles, mais mortelles. Depuis longtemps, le petit acacia se mourait. Même, il y a deux ans, on l’avait amputé de son principal rameau et la mince tige qui, le jour de notre arrivée, balançait un bouquet rose pâle au-dessus du toit de la vieille maison blanche, n’était qu’une repousse.

L’arbre a fleuri cet été, mais il était frappé à mort, condamné.