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SUR MARIA CHAPDELAINE


— Avez-vous lu Maria Chapdelaine ? demande Dearest à la femme du fossoyeur qui est arrêtée à la maison en passant.

— Ah ben non ! J’ai commencé à le lire en feuilleton, mais je l’ai laissé là. Ça a ben trop l’air habitant. C’est trop comme nous autres, c’est notre vie, ça. Pas besoin de la lire ; on a assez de la vivre.

Ah, écrire un livre qu’une pauvre ignorante refuserait de lire parce que c’est trop le miroir de la vie, quel rêve !


Pierre est revenu ce matin de chez sa grand’mère. Cécile raconte que chaque jour il se faisait payer pour dire ses prières.

— Il se fera curé, c’est clair, a déclaré une visiteuse, il a la vocation. Avec ces dispositions, il sera peut-être évêque un jour.


Chaque soir, au moment où le soleil se couche, une fleur de dahlia, au coin de la véranda, une énorme fleur rouge, insignifiante, banale et laide, s’avive, prend un ton chaud, lumineux, se transfigure.

Pendant une minute ou deux, elle est comme une rose merveilleuse que l’on voudrait voir parer la femme aimée. Puis, le soleil disparu, elle redevient la vulgaire fleur du dahlia, insignifiante, banale et laide.