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QUAND CHANTAIT LA CIGALE

queur. Cinq fois, la même scène se renouvelle, plus bruyante et plus animée, et chaque fois, plus déprimante pour moi.

Je m’enfuis dans la nuit, obsédé de musique nègre, d’une vision de fox-trot et du spectacle de cette foule en délire se disputant un ballon en baudruche qui éclate.

Je me retrouve devant la petite maison blanche, la maison ancestrale, et il me semble que je viens d’échapper à un cauchemar. Le calme et la paix m’enveloppent. Le ciel infini est peuplé d’étoiles qui ont contemplé la face des premiers hommes sur la terre et qui éclaireront encore notre globe de leurs rayons longtemps après que la race des pauvres pantins humains sera éteinte à tout jamais. Les grands arbres qui connaissent le secret sacré des nuits mystérieuses semblent des sages qui méditent en silence. Entre les hauts liards qui bordent ses berges, la rivière coule doucement dans l’ombre. Sous mes pieds, le gazon a le moelleux d’une chevelure. Alors devant la nature fraternelle, et bonne et vraie, tout mon être vibre profondément, et sous la voûte céleste constellée d’astres éclatants, je me découvre avec émotion.