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Page:Labiche - L’Avocat d’un Grec, 1859.djvu/11

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BROSSARD.

Vrai !… j’ai été superbe… je suis encore tout étourdi de mon succès… Quand je pense que je l’ai fait acquitter ?

CÉLINE.

Qui ça ?

BROSSARD.

Un petit gredin !…

CÉLINE.

Comment ?

BROSSARD.

Oh ! mais là ! ce que nous appelons un joli gredin ! On me nomme son défenseur d’office… Le farceur avait escamoté une montre dans son parapluie… c’était clair, c’était évident, ça crevait les yeux ! Eh bien ! je leur ai prouvé le contraire… moi, Brossard ! et je l’ai rendu à la société… qui est sa mère… nourrice !

CÉLINE, riant.

Un joli cadeau que vous lui avez fait là, à la société !

BROSSARD.

Ah ! dame ! tant pis ! On me donne un nègre à blanchir… je le blanchis !.. c’est mon état. (Gaiement.) J’entreprends le nègre !

CÉLINE.

Mais c’est très-mal… faire acquitter un coquin !

BROSSARD.

Parbleu ! si c’était un honnête homme, où serait le mérite ?

Air : Tenez, moi, je suis un bonhomme.
L’éloquence est un cosmétique
Qu’il faut dispenser avec soin,
C’est à la laideur qu’il s’applique,
La beauté n’en a pas besoin.
Ses effets, lorsqu’ils sont rapides,
Vous font surtout beaucoup d’honneur,
Car plus il efface de rides,
Plus ou vante le parfumeur.

On sanglotait dans l’auditoire… L’huissier a mis à la porte un monsieur qui sanglotait trop… brave homme, va !…

BABOCHET, entrant avec un verre d’eau.

Voilà, monsieur Brossard… voilà, monsieur Brossard !

BROSSARD, buvant. [Céline, Brossard, Babochet.]

Ah ! merci !

BABOCHET.

C’est-y assez sucré, monsieur Brossard ?