Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 1.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un seul, la vente des liqueurs spiritueuses est absolument défendue.

Cette intervention de l’État dans les habitudes privées ne peut s’expliquer que par le rôle primitif de l’État-Église. Sans doute aujourd’hui toutes les nations civilisées attribuent à l’État une haute tutelle, mais cette tutelle, qui chez nous est toute politique, a pour les Américains quelque chose de sacré et de religieux, et par conséquent on l’accepte avec plus de déférence qu’on ne fait en France, où la liberté n’est trop souvent que le droit pour chacun de vivre à sa fantaisie. Dans la Nouvelle-Angleterre on entend aujourd’hui la liberté comme faisait Winthrop au xviie siècle. C’est le droit à tout ce qui est bien, à tout ce qui est beau, à tout ce qui est juste, mais rien de plus, et par conséquent on admet une intervention de l’État plus grande que nous ne l’imaginerions au premier abord.

Ajoutez que, comme la morale publique a été réglée par la religion, l’opinion la soutient plus encore que la loi. Enfreindre la loi n’est pas seulement un délit, c’est un sacrilège ; l’homme immoral, ou dont la conduite est peu ordonnée, est considéré comme un impie. De là un ordre rigoureux, une sévérité tout extérieure pour certains actes que nous regardons d’un œil plus indulgent. La vie privée, la liberté de l’individu, se trouvent ainsi contenues dans des limites