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tout est calculé pour la fin qu’on se propose ; c’est l’organisation aristocratique la plus forte, la plus serrée qu’on puisse imaginer.

Ainsi donc, Locke et Shaftesbury avaient mis dans leur travail tout ce que peuvent donner d’ingénieuses combinaisons, l’étude, le génie, l’habitude des affaires ; et cependant on sent bien qu’il n’y a là qu’un jeu d’imagination ; c’est un projet impossible. On voit de suite que cette législation, empruntée d’une société aristocratique et féodale, ne pouvait pas convenir à une société où les personnes et les terres étaient dans d’autres conditions qu’en Angleterre. En Amérique, l’égalité absolue, l’égalité des hommes et des choses, sortait du sol.

L’erreur de Locke, c’est d’avoir méconnu le premier principe de la science politique. Il n’a pas compris que les lois ne sont point une abstraction philosophique, un idéal, mais bien l’expression de rapports existants. En d’autres termes, les lois et surtout les constitutions sont faites, non pour l’humanité, mais pour certaines agrégations d’hommes, vivant dans un temps et dans un milieu déterminés ; c’est pour ces sociétés particulières qu’il faut établir des règles diverses comme elles, et c’est une étrange méprise que d’imaginer à priori des institutions, comme si les hommes étaient faits pour les lois, et non pas les lois pour les hommes.