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Comment se forme l’histoire ? Engels nous l’apprend dans le passage suivant[1] : « L’enchevêtrement d’innombrables volontés et actions individuelles crée un état de choses qui est, de tout point, analogue à celui qui règne dans la nature inconsciente. Les buts des actions sont, en effet, voulus ; mais les conséquences ne le sont point ; ou bien, tout en paraissant, de prime vue, correspondre au but visé, aboutissent finalement à des résultats tout autres que ceux voulus. » Cette thèse est admise, par les savants, sans difficulté ; mais elle est désespérante pour les grands hommes dont le génie déborde : leurs plans ne pourront donc être réalisés tels qu’ils les ont conçus ! et cependant, ces plans sont si bien raisonnés, qu’on ne peut y toucher sans leur faire perdre leur efficacité et sans se mettre en révolte contre la Justice, dont ces messieurs sont les délégués autorisés.

Mais laissons de côté toutes ces objections vulgaires, pour aborder ce qui constitue, à mes yeux, la partie vulnérable de la doctrine,

  1. Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, traduit dans l’Ère nouvelle, mai 1894, p.14