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VI

LES DANAÏDES


 
Nous n’aimons plus ! Où donc est cet âge vanté,
Quand des fleurs nous gagnaient le cœur de la beauté ;
Quand le nid d’un oiseau, des fruits, le lait des chèvres,
Faisaient baisser les yeux et sourire les lèvres ?

Les blancs ramiers alors servaient de messagers ;
Mais, ô ramiers I ô cœurs I les temps vous ont changés.
Les hommes sont grossiers, les femmes sont vénales ;
On préfère au bonheur les voluptés banales :
L’une veut ton amour, l’autre veut plus encor ;
Celle-ci veut des vers ; — toutes veulent de l’or !

Dans votre âme sans fond, en vain, ô Danaïdes !
J’ai tout jeté, mon cœur, mes chants, mes dons candides.
Aujourd’hui, comme vous, je veux d’un sort meilleur :
De fou je deviens sage, et de tendre, railleur ;
Et, bien que j’aime encor l’éclat des noires tresses,
Un corps souple, des yeux aux humides caresses,
Aujourd’hui, palpitant sous un regard vainqueur,
Je vous puis tout donner, tout, — excepté mon cœur !

Inspiré de Miçkiéwicz.