Page:Lacaussade - Poésies, t1, 1896.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

XVIII

UN SYMBOLE


 
Le bengali peut dire au rossignol : « Mon frère. »
Quand l’homme sous son toit le retient prisonnier,
Sous les barreaux sa voix languit muette et fière ;
Il ne chante jamais pour son brutal geôlier.
Si divine est sa voix, son humeur est sauvage :
Trop haut est son instinct pour subir l’esclavage !
Son gosier d’or se tait dans un air infecté.
A son chant pur il faut l’air vierge des savanes,
Les bois, les monts d’azur, le ciel vaste où tu planes,
O soleil ! ô symbole ! ô sainte liberté !

Peuples, défiez-vous de ces pauvres natures,
Vils oiseaux, vils chanteurs aux instincts prosternés,
Qui, dans l’auge des rois becquetant leurs pâtures,
Gloussent leurs vers aux pieds de monstres couronnés.
Quand un Tibère abject règne, du vrai poète
Sur un sol asservi la voix reste muette :
Dans un silence altier s’abrite sa fierté.
Seul, couvant à l’écart sa lyre et sa souffrance,
S’armant contre le sort d’une sainte espérance,
Libre, il attend votre heure, ô Muse ! ô Liberté !