Page:Lacaussade - Poésies, t1, 1896.djvu/269

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VI

A ton appel, j’ai vu tous les rangs, tous les âges
          S’unir dans un sublime accord ;
Ouvriers et savants, vieillards et blonds visages
          Marcher côte à côte à la mort.
J’ai vu, pour ta défense, artistes et poètes
          Quitter la lyre et les pinceaux,
Des ouragans de feu rugissant sur leurs têtes,
          Braver la trombe et les assauts.
J’ai vu, sur tes remparts que la brise flagelle,
          Tes fils, soldats improvisés,
Mourir debout, tués par le froid qui les gèle,
          Tomber par la bombe écrasés.
Par un hiver qui fend les pierres et les marbres,
          Dans tes parcs de givre vêtus,
Pour tes foyers sans feu, j’ai vu tes plus beaux arbres
          Crouler l’un sur l’autre abattus.
Sur tes quais inondés hier encor de lumière,
          Et maintenant d’obscurité,
Sur tes longs boulevards, brillante fourmilière,
          Centres éteints d’activités,
Sur tes hauts monuments noyés d’ombres funèbres
          J’ai vu, réelle vision,
Comme un oiseau lugubre aux ailes de ténèbres
          Planer la désolation !