Page:Lacaussade - Poésies, t1, 1896.djvu/31

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Traînant partout au flanc le trait qui t’a blessé,
A des pas adorés rivé comme un esclave,
Sans vertu pour porter ou briser ton entrave,
Tu vivras… jusqu’au jour où, sous l’âcre poison,
Après ton cœur sentant défaillir ta raison,
Sentant, sous l’action rongeante de ta peine,
Se fausser ta nature et naître en toi la haine,
Toi-même, épouvanté qu’on doive tant souffrir,
Tu maudiras ton mal sans en vouloir guérir.
Et tant de désespoir, pourquoi ?… pour peu de chose :
Pour un sourire éclos sur quelque lèvre rose,
Pour quelque tête vide aux cheveux parfumés,
Pour deux yeux bleus ou noirs par l’enfer allumés.

                              * * *

O vous par qui le mal est entré dans le monde,
Race en calamités, en misères féconde,
De qui l’instinct cruel et plein de vanité
Nous sait tout prendre, tout, jusqu’à notre fierté ;
Race d’enchantements et de ruse pourvue,
Le curieux désir de voir et d’être vue
Est tout votre cœur ! Mère et fille du péché,
Comme Ève, votre esprit frivole n’est touché
Que par l’éclat du faux ; vous aimez l’imposture,