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poèmes et paysages

Aux cruelles rigueurs des plus rudes hivers,
Il préférait la lutte incertaine et sauvage
À des jours plus cléments passés dans l’esclavage,
Et debout sur ces monts qu’il avait pour témoins,
Souvent il s’écriait : « Je suis libre du moins ! »
Cependant comme l’aigle habitant des montagnes,
Qui du fond bleu des airs descend vers les campagnes,
Sur les sillons mouvants plane avec majesté,
Et s’approchant du sol par sa proie habité,
La ravissant au ciel dans sa puissante serre,
Reprend son vol farouche et remonte à son aire ;
Le hardi fugitif, abandonnant les bois,
Loin de son pic altier s’aventurait parfois ;
Il butinait de nuit dans le champ et la plaine,
Puis remontant, furtif, à son abrupt domaine
Par l’âpre aspérité d’un sentier roide et nu,
Invisible au regard et de lui seul connu,
Des bonheurs de l’esclave exilé volontaire,
Il regagnait là-haut sa hutte solitaire.

Je suis venu m’asseoir, ami, sous vos palmiers.
Ceux qui dans ces rochers sont montés les premiers,
Intrépides chasseurs, pour gravir sur ces pentes,
Aux racines d’affouche, aux lianes rampantes,
Grimpaient, et poursuivaient sous leurs abris secrets
Et le merle et la huppe, hôtes de nos forêts.
Mais aux lieux où jadis un monde de feuillage
Déployait ses verdeurs et son luxe d’ombrage,
De jeunes caféiers, de jeunes orangers