Le jour où Éliane avait pu quitter sa chambre pour la première fois, Castello l’avait fait prier de dîner avec lui. Éliane ne crut pas devoir refuser ; M. Castello avait été si admirable de générosité et de bonté qu’elle serait heureuse d’avoir l’occasion de lui dire combien elle lui était reconnaissante.
À l’heure du dîner, Lucia vint chercher Éliane et la conduisit à la salle à manger, pièce luxueuse, où Castello l’attendait en feuilletant un journal.
« Quel bonheur de vous savoir complètement revenue à la santé, Mlle Lecour ! » dit Castello, en apercevant la jeune fille.
— « Merci, M. Castello, » répondit Éliane. « La santé est un grand bienfait et je l’apprécie certainement. »
Castello conduisit Éliane à table, la plaçant vis-à-vis lui et elle ne fut pas peu surprise de voir Lucia prendre place à table entre elle et Castello. Qui était cette femme ?… Éliane n’aimait pas beaucoup Lucia ; il y avait quelque chose de faux dans son regard… d’ailleurs, elle avait toujours l’air de surveiller la jeune fille, comme si elle obéissait à un ordre reçu.
Pendant le dîner, servi par Goliath et Samson, on causa peu ; mais au dessert, Castello fit un signe aux domestiques et ceux-ci se retirèrent.
« M. Castello, » dit Éliane, « je n’ai pas eu l’occasion encore de vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour ma pauvre chère maman et pour moi… Je… »
— « N’en parlons pas, Mlle Lecour… Hélas ! votre pauvre maman, rien n’a pu la sauver… »
— « Mais elle est morte au milieu de soins et de confort et pour cela, je vous serai reconnaissante toute ma vie… Maintenant M. Castello, si vous vouliez mettre le comble à vos bontés en m’aidant à trouver un emploi à Smith’s Grove… ou ailleurs… Il me faut gagner ma vie… Peut-être pourriez-vous… »
— « Mais, Mlle Lecour, » s’écria Castello, affectant un grand étonnement, « ne savez-vous pas que votre avenir a été décidé, en quelque sorte, entre votre mère et moi ? »