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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

pas, aussi ? demanda quelqu’un.

— Ont-ils envie de nous laisser mourir… et pourrir ici ? fit un autre.

— Peut-être que le mécanisme est brisé et que les chars ne fonctionnent plus ! s’écria-t-on.

À la pensée de pareille éventualité, il y eut d’autres cris, d’autres blasphèmes.

Tout à coup, les malheureux sentirent vibrer le char sous eux et immédiatement, il se mit en mouvement. Alors un autre désastre se produisit : ceux qui étaient de trop sur les marches déboulèrent et roulèrent sur la voie ferrée… On entendit leurs appels désespérés… mais le char montait, et bientôt, on ne les entendit plus.

— Les malheureux ! soupira Mme Foulon.

Le char montait vite. Cette ascension au milieu de l’horrible obscurité, c’était la chose la plus épouvantable qu’on pourrait imaginer. Les voûtes de la houillère ne sont pas toutes de la même hauteur ; il s’en manque de beaucoup ! Il y a des endroits où il faut baisser la tête, ou bien se coucher presque sur le dos, afin de ne pas être assommé. Or, figurons-nous si nous le pouvons, la situation de ces pauvres gens, à quels dangers ils étaient exposés !

— Couchez-vous tous sur le dos autant que possible ! conseilla un mineur.

— Sur le dos ? demanda Lionel Jacques.

— Oui, vite ! On ne sait à quel moment on peut être assommé.

Ce conseil fut suivi et il n’arriva rien de déplorable.

Enfin, une petite lueur apparut, au loin, très au loin ; c’était le jour, la lumière.

Encore quelques instants et le char arrivait à destination et déposait sur le sol ses passagers.

Bientôt, un autre char arriva, puis un autre, et un autre, et un autre encore ; tous étaient chargés de passagers ; ceux-ci accueillis par les citoyens de la ville, accourus à l’entrée de la mine et y attendant avec une impatience et une anxiété impossible à décrire que la houillère leur eut rendu ceux qu’ils aimaient.

Le dernier char monta… Personne, semblait-il, n’allait manquer à l’appel. Bien sûr, il y avait des blessés ; plus d’un de ceux-ci seraient infirmes pour la vie peut-être ; mais ils étaient vivants ! Même ceux qui avaient déboulé du premier char et roulé sur la voie ferrée avaient été sauvés ; c’était presque miraculeux !

— Mais… M. Ducastel ?… Qui a vu M. Ducastel ? demanda soudain Mme Francœur fort inquiéte.

Personne ne répondit.

— C’est bien vrai !… L’inspecteur… murmura-t-on.

— Il n’est donc pas remonté ? demanda quelqu’un.

— Non ! sanglota Mme Francœur.

— Yvon… balbutia Lionel Jacques.

— Ce n’était donc pas lui qui nous précédait, dans la mine ? demanda M. Foulon, qui arrivait de la Ville Blanche, où il était ailé conduire sa femme.

— Non, hélas ! Ce n’était pas lui, répondit tristement Lionel Jacques.

— Quel malheur ! fit une voix de femme.

— Un si gentil garçon, si droit, si honnête ! s’exclama une autre voix.

Mme Francœur sanglotait convulsivement ; Lionel Jacques pleurait franchement ; M. Foulon était devenu pâle comme la mort…

Alors, les hommes se découvrirent, les femmes inclinèrent la tête, et tous murmurèrent une courte prière pour le repos de l’âme d’Yvon Ducastel…

Car, il n’y avait plus à en douter ; de tous ceux qui avaient été emprisonnés dans la mine, seul, le jeune inspecteur manquait à l’appel.

Fin de la Troisième Partie


L’HOMME DE LA MAISON GRISE

QUATRIÈME PARTIE
TROMPEURS ET TROMPÉS


Chapitre I

DIX MILLE DOLLARS EN VUE


Un silence de mort régnait à W…, ville minière de la Nouvelle-Écosse.

Ce silence était vraiment étrange. C’était chose bien extraordinaire, en effet, que l’absence de tout bruit, en cet endroit où, le dimanche ex-