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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

maison délaissée ?…

Toujours est-il que notre jeune ami ne pouvait contrôler un certain sentiment de malaise, en présence de son hôte, et il ne fut pas fâché, une fois le repas fini, de se lever de table.

— Je déjeune à huit heures précises, dit M. Villemont, au moment où Yvon se disposait à retourner à sa chambre à coucher, muni d’un cabaret, contenant le souper de Lionel Jacques.

— À huit heures… c’est entendu, répondit le jeune homme.

— Comme j’ai le sommeil léger et que j’aime à me lever tard, continua M. Villemont, je vous prierai d’attendre après le déjeuner pour soigner votre cheval. Le moindre piétinement m’éveille ; conséquemment, veuillez ne pas quitter votre chambre avant huit heures.

— C’est fort bien, Monsieur.

— Vous laisserez le plateau à la porte de votre chambre ; j’irai le chercher, lorsque je serai prêt à laver la vaisselle. Bonsoir, fit l’homme de la Maison Grise.

— Bonsoir, M. Villemont ! répondit le jeune homme, qui eut peine à réprimer une grande envie de rire ; évidemment, leur hôte ne voulait pas être dérangé et il ne tenait pas à la compagnie de son visiteur… forcé.

En pénétrant dans leur chambre à coucher, Yvon s’enquiérit tout de suite de l’état de son malade…

— Souffrez-vous moins, Monsieur ? demanda-t-il.

— Un peu moins, répondit Lionel Jacques. Ce liniment que vous m’avez appliqué a calmé les douleurs atroces que je ressentais. Décidément, notre hôte est bon médecin ajouta-t-il, en souriant.

— C’est un type assez singulier que notre hôte, qui a nom M. Villemont.

— Un type singulier, dites-vous ?…

— Eh ! bien, oui… Il doit y avoir quelque mystère dans la vie de cet homme…

— Ha ha ha ! rit Lionel Jacques. La jeunesse aime le mystère, c’est entendu : elle le recherche ; elle croit le découvrir partout.

— Peut-être… fit Yvon, riant lui aussi.

Malgré ce qu’il en avait dit, Lionel Jacques mangea de bon appétit, au grand contentement de son compagnon.

— Mon jeune ami, dit le malade, au moment où Yvon lui enlevait le plateau sur lequel il lui avait apporté son souper, vous êtes vraiment trop bon de vous dévouer ainsi pour moi… un inconnu…

— Un inconnu ?… répondit Yvon en souriant. Pas tout à fait… M. Jacques !

— Hein ? Comment ? Vous savez mon nom ?

M. Lionel Jacques… autrefois Gérant de banque…

— Mais… Je…

— Regardez-moi bien, M. Jacques et vous allez me reconnaître tout de suite, j’en suis convaincu.

Ce-disant, il approcha la lampe de son visage et aussitôt, Lionel Jacques s’écria :

— Ducastel ! C’est Yvon Ducastel !

— Oui, c’est Yvon Ducastel, autrefois assistant caissier de la banque dont vous étiez le Gérant.

— Ô mon garçon ! s’exclama le malade. Qui eut cru te retrouver ici !

— Moi aussi, j’ai été on ne peut plus étonné, en vous reconnaissant, sur la route, tout à l’heure. Dire que vous habitez la Nouvelle-Écosse… les environs de W… !

— Depuis un an seulement je demeure ici, Ducastel.

— Tout de même, je ne comprends pas comment il se fait que je ne vous aie jamais rencontré, M. Jacques… Demeurez-vous à W… même ? Non. c’est impossible !

— Je ne demeure pas dans la ville, quoique que non loin. Mais, dis-moi, Yvon…

— Je vous raconterai, demain, tout ce qui s’est passé depuis… depuis ce que j’appellerai toujours mon… mon grand sauvetage, dit le jeune homme, d’une voix émue.

— J’ai hâte, bien hâte !

— Ce soir, vous êtes trop fatigué vous avez trop besoin de repos… Mais, M. Jacques, n’est-ce pas que vous n’êtes plus étonné des soins que je vous prodigue ?… Vous vous rappelez de ce jour où… où vous m’avez sauvé de… de moi-même ?

— Allons ! Allons ! Ne parle