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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

est toujours prêt à six heures, ici… S’il vous plaît vous en souvenir.

— C’est entendu, dit Yvon ; je serai de retour avant six heures.

— Très bien. Il n’est rien comme de s’entendre.

— Maintenant, auriez-vous la bonté de me renseigner sur le chemin qui conduit à W… ? Je ne veux pas parler du Sentier de Nulle Part, vous le pensez bien ; mais du chemin sur lequel j’ai trouvé M. Jacques évanoui.

— C’est un beau chemin, celui-là… Un demi-mille à peu près, dans les rochers, puis c’est la rase-campagne, l’espace… Quant au Sentier de Nulle Part, M. Ducastel, je ne vous conseillerais pas d’y cheminer jamais ; c’est un sentier dangereux et…

— Et hanté, prétend-on, acheva le jeune homme en riant.

— Ce n’est pas là précisément ce que je voulais dire, fit, en riant, l’homme de la Maison Grise ; j’allais seulement vous prévenir…

— Tout dangereux soit-il, le Sentier de Nulle Part est fréquenté parfois, je crois.

— Que voulez-vous dire ? fit vivement M. Villemont d’un ton où perçait… était-ce de l’inquiétude ?

Yvon allait raconter l’incident du mouchoir qu’il avait trouvé dans le Sentier de Nulle Part, mais quelque chose le retint… quelque chose… une expression indéfinissable qu’il crut voir sur le visage de son interlocuteur.

— Oh ! Je ne voulais dire rien de particulier, ni de bien intéressant, répondit-il, d’un air détaché. J’avais cru voir quelqu’un… un homme… un cheminot, sans doute, sur le Sentier de Nulle Part, le jour que j’y cheminais à cheval sur Presto.

— Vous vous serez trompé, affirma M. Villemont, car, si je dis que ce sentier est dangereux, c’est qu’il s’y produit souvent de petits éboulis, et la chose est connue. Vous avez dû remarquer que les rochers, à certains endroits, ne semblent se maintenir que par un miracle d’équilibre ?

— Oui, je l’ai remarqué, répondit Yvon.

— Eh ! bien, ces rochers peuvent s’écrouler, d’un moment à l’autre, surtout lorsque le tonnerre fait vibrer l’atmosphère ; c’est arrivé déjà… ça arrivera encore, probablement.

— Je me garderai bien de cheminer dans le Sentier de Nulle Part, dorénavant, répondit, en souriant, le jeune homme, car je ne suis pas encore assez fatigué de la vie pour risquer de la perdre… Au revoir, M. Villemont ! ajouta-t-il. À ce soir !

— Au revoir, M. Ducastel, et bon voyage !

— Merci !

Ainsi que l’avait annoncé M. Villemont, le nouveau chemin que prit Yvon était bien passable. Sans doute, il était rocheux sur la longueur d’un bon demi mille ; mais bientôt, de beaux champs verts à perte de vue, vinrent réjouir les yeux du jeune cavalier.

Il était près de midi, lorsqu’Yvon Ducastel arriva à W… et qu’il arrêta son cheval à la porte de sa maison de pension.



Chapitre XII

OÙ L’ON REVOIT GUIDO


M. et Mme Francœur venaient de se mettre à table pour leur dîner lorsqu’Yvon frappa à la porte de leur maison. Mme Francœur courut ouvrir.

— Ah ! Mais ! s’écria-t-elle, en regardant le jeune homme. Si c’est pas M. l’Inspecteur !

— Eh ! oui, c’est moi, chère Mme Francœur ! répondit Yvon en riant.

— Mais, vous n’avez pas…

— Je n’ai pas fait le tour de la Nouvelle-Écosse, vous voulez dire ?

— Ce n’est pas cela, protesta Mme Francœur en riant. Je sais bien que… ce que j’allais dire c’était que j’espérais que vous n’aviez pas eu d’accidents, ou quelque chose ?…

— Oh ! Pas du tout !… Je vous expliquerai…

— Entrez ! Entrez M. Ducastel ! Nous allions justement nous mettre à table, Étienne et moi. Vous êtes le bienvenu mille fois !… Et puis, nous avons du pâté au poulet pour le dîner ; je sais que c’est là votre mets de prédilection.

— L’eau m’en vient à la bouche, rien qu’à y penser, Mme Francœur !… Le temps de monter à