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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

jours.

— Cela, je ne le conteste pas… Je lui avais annoncé, samedi soir, à mon retour de la ville, que nous avions l’intention de partir, soit hier, soit aujourd’hui ; de là son amabilité. La nouvelle l’a tellement réjoui ce bon hermite qu’il nous a comblés de politesses, depuis.

— Il n’y a rien comme de laisser une bonne impression aux gens, tu sais, mon garçon ! fit Lionel Jacques en riant.

— Bien sûr, M. Jacques !… Vous me le direz quand tourner ?

— Oui. C’est dans les environs de l’endroit où tu m’as trouvé évanoui… Vois-tu, j’allais retourner chez moi, lorsqu’il m’est arrivé cet accident… que je qualifierais de déplorable, si ce n’était que cela m’a procuré le plaisir de te revoir, Yvon.

— Merci, M. Jacques !

— T’ai-je dit que nous allions traverser le Sentier de Nulle Part, tout à l’heure ?

— Vous me l’avez dit… C’est singulier, mais je n’avais pas remarqué que le Sentier de Nulle Part était traversé par un autre sentier ou chemin.

— Tu le verras dans quelques instants ce matin… Ah ! Tiens ! Aperçois-tu ce gros rocher, presque noir ? C’est là que nous tournons, pour nous risquer à travers le Sentier de Nulle Part.

Yvon Ducastel conduisait Presto par la bride ; il n’aurait pas osé le conduire autrement, à cause du mauvais état du chemin. Le moindre choc eut occasionné à Lionel Jacques de grandes souffrances, car son entorse n’était certes pas guérie encore.

Ayant contourné le Rocher Noir, il tomba dans un bout de chemin presqu’impassable. Heureusement, l’express était monté sur de bons ressorts, sans quoi, le malade eut trouvé cela intolérable.

Ah ! Voilà le Sentier de Nulle Part ; le mémorable sentier, dans lequel Yvon avait juré de ne plus jamais s’aventurer !

— Vois-tu ce rocher, à droite, qui fait penser à un lion couché ? demanda soudain Lionel Jacques.

— Oui, je le vois… et, en effet, on dirait un lion couché.

— Ce rocher on le désigne du nom de « Roc du Lion Couché » ; c’est un point de repère, pour ainsi dire, sur le Sentier de Nulle Part.

— Je ne l’avais pas remarqué, répondit Yvon. Il est vrai que, lorsque j’ai cheminé par ici, un orage se préparait et j’étais à la recherche d’un gîte quelconque, pour moi-même et pour mon cheval.

— Tu vas contourner ce rocher, continua Lionel Jacques et tu arriveras sur le chemin qui conduit chez moi.

Quelques pas seulement à faire sur le Sentier de Nulle Part, puis le Roc du Lion Couché fut contourné ; Yvon aperçut un chemin tournant à droite, et qui paraissait assez bon.

— Tu peux monter sur le siège maintenant, mon garçon, dit Lionel Jacques. Le chemin est bien passable, et du moment que Presto continuera à aller au pas, tout ira bien.

— Mais. N’arriverons-nous pas à proximité de la Maison Grise en suivant ce chemin, M. Jacques ? demanda Yvon. Il me semble, à moi, qu’il doit conduire… d’où nous venons !

— Ne crains rien ! répondit, en riant, Lionel Jacques.

— C’est que… je ne tiens pas à aller rendre visite à M. Villemont… si tôt, fit le jeune homme, riant, à son tour.

— Tiens, vois, le chemin tourne à gauche ici et il conduit tout droit chez moi.

Le chemin qu’ils suivaient était encaissé dans de hauts rochers, tout comme le Sentier de Nulle Part ; mais on voyait qu’il avait été fait, ou réparé, de main d’homme. Il avait été élargi, par endroits ; bref, le cheminement était assez facile.

— Sur ce train, fit Yvon tout à coup, nous allons arriver à la muraille de sapins, que j’apercevais, du sommet du Dard de Lucifer !

— Tu ne te trompes pas, mon garçon.

— Voici la clairière, la plaine verte, qui aboutissent à la muraille.

— Et derrière cette muraille est ma demeure, Yvon, annonça Lionel Jacques.

— Vraiment ? Nous arrivons, alors.

— Nous sommes presque rendus… Vois-tu, là-bas, où les sapins sont