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Il relevait d’une grave maladie et ses poumons étaient restés faibles. Le Docteur Philibert avait, plus d’une fois, depuis la veille, froncé les sourcils, en entendant tousser Souple-Échine. Aussitôt que le médecin put causer seul à seul avec Hugues il lui parla de son jeune domestique.

— Hugues, lui dit-il, ton domestique Souple-Échine ne pourra pas supporter le grand air, ici. Il tousse beaucoup cet enfant.

— C’est vrai qu’il tousse, répondit Hugues, et je suis inquiet à son sujet. Que me conseilleriez-vous de faire, Docteur ?

— Ses poumons sont restés faibles et il aurait besoin de toniques ainsi que de bons soins. Je crois que je ramènerai Souple-Échine avec moi, à mon retour, car je t’assure, Hugues, qu’il n’en aurait que pour quelque temps à vivre, ici.

— Pauvre petit Sauvage ! Comme il se révolta contre l’idée d’abandonner « Tit maître » ! Le Docteur Philibert lui promit de le guérir avant l’automne et Hugues lui promit qu’il reviendrait sur l’île aussitôt que sa toux l’aurait laissé. Souple-Échine finit par se laisser persuader à retourner sur la terre ferme avec le médecin, qui le garderait avec lui au Valgai.

Le premier dîner qu’on prit sur l’Île Rita fut très gai. Vers les quatre heures de l’après-midi, tous se dirigèrent vers une petite colline, qui fut nommée, par Hugues et adopté par tous, du nom de « Mont Roxane ».


CHAPITRE XXII

SUR LE MONT ROXANE


Les excursionnistes se dirigèrent gaiement vers le Mont Roxane ; il y avait, d’abord Hugues et Roxane, puis venaient Mme  Dussol et le Docteur Philibert, entre lesquels marchait Rita, il y avait aussi Armand et Lucie. À une petite distance en arrière étaient Célestin et Souple-Échine, puis Mathurin et sa femme, qui avait nom Prospérine.

La colline fut bientôt atteinte et, parvenus à son sommet, une petite cérémonie eut lieu ; Roxane déploya un grand drapeau blanc, sur lequel Lucie avait écrit en grosses lettres : « ÎLE RITA ». Dans un coin de ce drapeau, elle avait peint une touffe de marguerite. Car, on s’en doute bien, le véritable nom de la petite infirme c’était Margarita, quoiqu’elle n’eut jamais porté ce nom. Ce drapeau, attaché à une longue et forte perche, fut ensuite planté au sommet du Mont Roxane.

— Mes amis, dit Hugues, il est d’usage de saluer un drapeau par trois coups de canon. Nous n’avons pas de canon ici ; nous nous contenterons donc de crier à pleins poumons : « Vive l’Île Rita  ! »

— Vive l’Île Rita, crièrent-ils tous.

— Et vive la mignonne Rita, la marraine de l’île ! ajouta Lucie.

— Vive la mignonne Rita, la marraine de l’île, répétèrent-ils.

Hugues fit asseoir Rita sur un rocher. Aussitôt, Mme  Dussol s’approcha de l’enfant et lui posa sur la tête une guirlande de marguerites. Alors, tous se mirent à chanter les couplets suivants, que Roxane avait composés, pour la circonstance :


L’ÎLE RITA


Comme un pendentif d’émeraude,
L’Île Rita,
Durant toute la saison chaude,
Se voit là-bas.

REFRAIN


        Ô vous qui naviguez
        Sur ce lac, arrêtez
        Devant cette île belle ;
        Vous serez enchantés
        Quand vous contemplerez
        Sa beauté si réelle.

II


Comme l’on aime et l’on admire
Ce pur joyau !…
Voyez : dans le lac il se mire
Le cher îlot.

III


Que hautement notre voix chante,
En ce moment,
L’Île Rita, qui nous enchante
Si grandement !


Rita devint, soudain, très-pâle, puis des larmes coulèrent sur ses joues. Mme  Dussol, qui observait l’enfant, s’aperçut qu’elle était très énervée. Elle ne jouissait pas d’une santé bien robuste la pauvre petite infirme, et ce qui venait de se passer l’avait trop fortement émue. Roxane, en voyant pâlir sa petite sœur, voulut s’élancer vers elle, mais Mme  Dussol lui fit signe de n’en rien faire.

— Rita, dit Mme  Dussol, si tu voulais, nous redescendrions la colline, toi et moi. Je suis un peu fatiguée.

— Oui, oui ! Descendons ! fit Rita. Puis s’adressant à tous, elle ajouta : Oh ! je suis si contente ! L’Île Rita…je…

— J’ai tenu ma promesse, hein, Rita ? demanda Hugues, en souriant.

— Oui ! Oui ! répondit la petite, et je vous aime tant, M. Hugues ! Merci, bon Docteur, de nous amenés ici sur votre beau yacht ! Merci, Roxane, pour la belle chanson ! Merci, Lucie, pour le beau drapeau, et merci M. Lagrève, pour la jolie guirlande de marguerites ; Mme  Dussol m’a dit que c’était vous qui l’aviez faite… Je vous aime bien gros, M. Armand ; Lucie elle aussi vous aime. N’est-ce pas, Lucie, que vous….

— Viens ! Viens, Rita ! s’empressa de dire Mme  Dussol. Et vite, elle entraîna l’enfant. Armand et Lucie avaient rougi. Le Docteur Philibert, Roxane et Hugues avaient souri : le secret d’Armand Lagrève et de Lucie de St-Éloi était connu de tous.

— « La vérité sort de la bouche des enfants », dit, sentencieusement et assez malicieusement le Docteur Philibert. Et tous de rire d’un bon cœur.

— Oh ! Voyez donc ce beau port naturel qu’on aperçoit d’ici ! s’écria Lucie, afin de changer le cours des idées de tous.