Page:Lacerte - Roxanne, 1924.djvu/69

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servi de déguisement à Roxane.

— Pauvre folle ! dit-il. Elle sait maintenant ce qu’on y gagne à essayer d’intervenir dans les affaires de Champvert… Allons ! Que je cherche encore ce testament ; il ne peut pas avoir disparu, ce serait ridicule de le croire… À moins que… Ah ! Peut-être Mlle Monthy avait-elle quelque complice avec elle, un complice qui se serait tenu caché dans cette chambre et qui aurait pu… Bah ! c’est impossible, tout simplement ! En cherchant bien, je finirai par retrouver le document perdu, et je le brûlerai immédiatement.

On étouffait dans cette chambre ! Le notaire ouvrit grande la fenêtre, afin de laisser pénétrer l’air pur du dehors, ensuite, il ferma son coffre-fort et se mit en frais de réparer le désordre, sur sa table de travail.

Champvert venait de remettre le tapis de table en place, quand on frappa à la porte. Pensant que c’était le cocher qui venait prendre ses ordres, il dit, d’une voix rude.

— Eh ! bien, qu’est-ce qu’il y a ?

La porte de l’étude s’ouvrit brusquement, et quatre policiers entrèrent.

À la vue des policiers, Champvert devint blanc comme de la chaux, mais aussitôt, sa main se dirigea vers la poche de ses pantalons, où était son pistolet. Cependant, déjà, l’un des policiers lui tordait les poignets, à les lui briser, tandis qu’un autre s’emparait de l’arme à feu, qui eût été si dangereuse entre les mains du notaire.

— M. Ignace Champvert, au nom de la loi, je vous arrête !

Cette phrase, à laquelle Champvert s’attendait d’ailleurs, fut prononcée par le troisième policier.

— Vous m’arrêtez ? Et pourquoi ? Vous comprendrez sans peine que cette question… et votre réponse m’intéressent, dit le notaire avec, ce qu’il crut être un sourire amusé, mais qui n’était qu’une crispation nerveuse de la bouche.

— Je vous arrête, pour vol et assassinat.

— Des peccadilles, quoi ! murmura le quatrième policier, un nommé Nestor. Nestor avait la réputation d’avoir toujours le mot pour rire, même dans les situations les plus dramatiques.

— Pour le vol du testament de M. de Vilnoble. Pour l’assassinat d’un étranger, près de l’auberge du Tigre-Rampant, il y a trois ans.

— Il vous faudra prouver… commença Champvert.

— Des preuves, nous en avons, et plus qu’il n’en faut pour justifier votre arrestation, répondit le policier. Mais, je vous en avertis, tout ce que vous pourriez dire serait amené contre vous, à l’audition de votre procès… Ainsi, je vous conseille de vous taire et de nous suivre, sans faire d’inutiles résistances.

À ce moment, Hugues de Vilnoble entra dans l’étude. En l’apercevant Champvert s’écria, gouailleur :

— Tiens ! Hugues de Vilnoble, mon noble cousin… puisque j’étais marié à sa cousine.

— Celui que vous avez rendu presque indigent, M. Champvert, en volant le testament fait en sa faveur, dit Hugues. Quant à l’accusation de meurtre.

— Je n’ai pas… l’honneur de vous connaître personnellement, M. Champvert, fit, en ce moment, la voix d’Armand. Moi, je me nomme Armand Lagrève et…

— Armand Lagrève… Celui qui… commença Champvert.

— Oui, celui qui… Monsieur… Décart !

Aussitôt qu’Armand eut prononcé ce nom, un chien de grande taille fondit dans la pièce : c’était Rollo. Ses yeux firent l’inspection de tous les visages, puis, apercevant le meurtrier de son maître, il s’élança vers lui, la gueule large ouverte, les yeux injectés de sang. Et c’en eût été fait de Champvert, si Armand, aidé de Hugues, n’eut saisi la forte chaîne attachée au collier du chien, afin de le retenir.

— Le chien !… balbutia le notaire.

— Rollo vous connaît bien, M. Décart, dit Armand ; il y a longtemps qu’il vous cherche.

— Eh ! bien, suivez-nous, M. Champvert, dit un des policiers, celui qui avait procédé à l’arrestation.

— M. Champvert, dit Hugues, en s’approchant du bandit, où est Mlle Monthy.

— Ha ha ha ! Ha ha ha ! dit le notaire, et Rollo se mit à gronder sourdement, puis il essaya, encore une fois de s’élancer en avant. Voilà le hic n’est-ce pas, mon cher… cousin ? Où est Mlle Monthy, hein ? Je suis seul à le savoir, et avant que je vous le dise…

— Écoutez, fit Hugues, si vous voulez me dire ce qu’est devenue Mlle Monthy, je vous promets que je ferai tout au monde pour atténuer la sentence qui vous attend, au tribunal de la justice. Mlle Monthy, où est-elle ?

— Elle est… là où vous ne la trouverez jamais, mon noble cousin.

— Vous l’avez tuée, misérable ! cria Hugues, qui voulut saisir Champvert à la gorge ; le policier le retint.

— Non, je ne l’ai pas tuée. Je l’eusse tuée, assurément, si je m’étais douté de ce qui m’attendait ici, répondit cyniquement le notaire.

Mlle Monthy est morte, pour vous, depuis sept jours, Hugues de Vilnoble ; depuis le moment où je l’ai surprise à intervenir dans mes affaires, et, en ce moment où je vous parle, elle est assurément morte pour tous, reprit Champvert, avec un ricanement, qui eut l’heur de déplaire fortement à Rollo.

— Ayez la bonté de nous suivre, dit le policier à Champvert, et lui posant la main sur l’épaule.

Mais, d’un mouvement brusque, le notaire se dégagea, et, en un bond, il fut sur l’appui de la fenêtre, de laquelle il sauta sur la terrasse.

Tout cela s’était fait si promptement qu’on n’aurait pu intervenir. On vit le misérable, courant à toutes jambes, et prenant la direction de l’est. Bien vite, cependant, tous se mirent à sa poursuite, Armand maintenant toujours Rollo par sa chaîne.

Champvert, se sachant poursuivi, raisonnait ainsi, tout en volant littéralement sur le chemin :

— Je vais prendre le chemin le plus court ; celui qui conduit directement à la Forêt des Abîmes et je m’aventurerai sur le Sentier de la Mort. Personne n’osera me suivre là, et