Page:Laclos - De l’éducation des femmes, éd. Champion, 1903.djvu/36

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cette opération, l’engage même à prendre la situation la plus favorable à la sortie de l’enfant. Il naît enfin, et la cessation de la douleur (état si semblable au plaisir) est le 1er  sentiment qui attache la mère à l’enfant. Qui voudra sçavoir combien est délicieux et fort le sentiment de l’amour maternel qu’il n’aille pas dans les palais des grands où l’intérêt et la vanité sollicitent seulles la génération ; qu’il évite les cabanes des pauvres où la misère l’étouffe quelquefois ; qu’il fuïe les hommes aujourd’hui trop dépravés ; mais qu’il consulte les animaux ; en est-il un, si timide, qu’il ne devienne courageux pour la deffense de ses petits, un, si cruel, qu’il ne soit doux et folâtre avec eux ; un, si volage, qu’il ne se fixe à leur donner ses soins ?… la femme seulle consent à se séparer de son fils… mais non ; chez elle-même la nature est violée et non pas séduite, encore sensible. Répondez, qui de vous s’est vû enlever son enfant nouveau-né sans l’arroser de quelques larmes ? La femme naturelle est plus heureuse ; rien ne la prive, rien ne la sépare de l’objet de son affection ; tous ses soins lui vont être consacrés ; peu d’heures après l’enfantement, elle se lève, elle va baigner son enfant dans un ruisseau voisin ; elle s’y baigne elle-même ; après s’être séchée sur le gazon, elle le sèche à son tour, non par des frictions irritantes, non en l’exposant à une chaleur dessicative, mais en le plaçant sur son sein ; c’est là qu’il trouve à la fois une chaleur salutaire et une nourriture qui lui convient. Le laict est le lien naturel qui unit la mère et l’enfant ; s’il est nécessaire à l’un de le recevoir,