Page:Lacordaire - Œuvres du R.P. Henri-Dominique Lacordaire, tome 1 - Vie de Saint-Dominique.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— XLVI —

un journal pouvait dire publiquement: « A dater « de ce jour, les lois oppressives qui prohibaient « l’habit religieux en France sont abrogées en « fait, par le courage d’un moine et par les accla « mations du peuple. » Mais le 15 mai, quelques jours seulement après son inauguration, l’Assemblée nationale était envahie par une multitude aveugle. Signalé entre tous par son froc blanc aux menaces des émeutiers, le Moine sans crainte demeura immobile sur son banc. Cependant il comprit que la république, déshonorée par l’opprobre de cette irruption populaire, était désormais perdue, et que ses devoirs de religieux et de représentant ne pouvaient se concilier; il envoya donc dès le lendemain sa démission au président de l’Assemblée. Peu après, et pour les mêmes motifs, il quittait la rédaction de l’Ère nouvelle, dont les tendances trop démocratiques allaient mal à la modération de ses propres idées. Il sentait déjà auparavant que sa carrière avait été tracée par Dieu, bien au-dessus des agitations du forum; l’expérience le lui fit mieux comprendre; et si le désir de donner à la bonne cause un témoignage public de sa sympathie l’entraîna jusqu’à toucher l’écueil, une prudence supérieure l’aida à s’arrêter à temps, pour ne point s’y heurter.