Page:Lacordaire - Œuvres du R.P. Henri-Dominique Lacordaire, tome 1 - Vie de Saint-Dominique.djvu/84

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constamment à ses pieds, s’établissaient ouvertement en France, sous les yeux de ces pontifes qui étaient assez puissants pour contraindre l’Empereur même à respecter la loi divine et la volonté des nations chrétiennes. Aucun fait ne révèle plus sûrement la réaction sourde qui travaillait l’Europe. Raymond VI, comte de Toulouse, était à la tête des Manichéens de France, vulgairement appelés Albigeois. C’était l’arrière-neveu de ce fameux Raymond, comte de Saint-Gilles, dont le nom est mêlé aux plus grands noms de la première croisade, aux noms des Godefroy de Bouillon, desBaudouin, des Robert, des Hugues, des Boëmond. Il abdiqua l’héritage de gloire et de vertu que lui avaient transmis ses ancêtres, pour se faire chef de la plus détestable hérésie qu’eût enfantée l’Orient, subjugué tout ensemble par les mystères propres des Manichéens et par le masque vaudois qu’ils avaient pris pour mieux entrer dans les pensées de l’Occident.

Ce n’était pas tout. L’enseignement des écoles catholiques, renouvelé après un long interrègne, se développait sous l’influence de la philosophie d’Aristote, et la tendance de ce mouvement était de faire prévaloir la raison sur la foi dans l’exposition des dogmes chrétiens. Abailard, homme célèbre par ses fautes encore plus que par ses erreurs, avait été l’une des victimes de cet esprit appliqué à la théologie. Saint Bernard l’accusa de transformer la foi, fondée sur la parole de Dieu, en une pure opinion, assise sur des principes et des conclusions de l’ordre