Page:Lacordaire - Œuvres du R.P. Henri-Dominique Lacordaire, tome 1 - Vie de Saint-Dominique.djvu/9

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— IV —

tent les lois corruptrices, et que la licence emporte les peuples vers l’esclavage sans qu’ils aient le temps de pousser un cri; mais il ne débutait si bien que pour s’arrêter au déisme de Rousseau, et s’égarer dans les théories politiques du Contrat Social. Le droit fini, il vint à Paris faire son stage. A son insu, comme il le comprit plus tard, c’était aux portes de l’éternité qu’il venait frapper. Sur ce nouveau théâtre, il ne demeura pas longtemps inconnu. Berryer, qui l’entendit, lui assura qu’il pouvait se placer au premier rang du barreau; et, après une de ses plaidoiries, le premier président Séguier se tournant vers les autres juges « Messieurs, leur dit-il, ce n’est pas Patru, c’est Bossuet. » Ses amis lui prédisaient le plus bel avenir. Cependant ces espérances dorées ne pouvaient le défendre d’une secrète mélancolie : ni l’amitié ni la gloire qui se pressaient si vite autour de lui, ni les mille rêves qu’enfantait chaque jour son imagination un instant charmée, ne parvenaient à dissiper ce mystérieux ennui. Que se passait-il donc dans son cœur de vingt ans? Dieu daignait le visiter, sans qu’il connût sa présence, et le sentiment des choses célestes lui faisait de mieux en mieux saisir le néant de la créature. Deux ans ces tristesses grandirent en son âme, et achevèrent de la purifier. Les pro-