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cette infaillibilité, nécessaire à l’Église établie de Dieu pour gouverner le genre humain, n’est pas un apanage de notre esprit. Elle suppose, en effet, que l’intelligence ne sera jamais obscurcie par l’ignorance et les passions, ces deux sources fécondes de l’erreur. Or l’homme est sans cesse exposé à l’ignorance par la faiblesse de son intelligence, qui est finie, et aux passions par la faiblesse de son cœur, qui est corrompu. Tout ce qu’il peut faire, c’est de s’en affranchir dans un cas donné, c’est-à-dire, d’être certain. Le genre humain, pris en masse, est affecté de la même impuissance, et affecté à un degré plus grand encore, parce qu’il est beaucoup plus sujet à l’ignorance et aux passions que tel homme pris en particulier dans certaines conditions d’études et de vertus. Sans doute si le genre humain ne fût pas tombé dans Adam des privilèges de sa création, il eût reçu de ses communications perpétuelles avec Dieu une lumière et une pureté suffisantes pour le conduire ; mais cet ordre n’existe plus. C’est l’Église seule qui reçoit l’esprit de Dieu, c’est elle qui a succédé aux droits primitifs du genre humain. C’est par elle que nous pouvons seulement rétablir nos rapports originels avec Dieu ; c’est à elle qu’il a été dit : Je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles[1].

Ne voyez donc pas, Messieurs, dans l’infaillibilité de l’Église un privilège étrange et incompréhensible.

  1. Saint Matthieu, chap. XXVIII, vers. 20.