Page:Lacordaire - Œuvres du R.P. Henri-Dominique Lacordaire, tome 2 - Conférences de Notre-Dame de Paris.djvu/71

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des religions qui ne se disent pas infaillibles. Et si vous demandez pourquoi elles ne se disent pas infaillibles, c’est qu’elles ne le peuvent pas, c’est qu’elles sentent très bien que leurs variations perpétuelles ou l’absurdité de leurs dogmes trahiraient sans cesse cette prétention. Il n’est pas si aisé qu’on le croit de se dire infaillible. Toute fausse religion commence par l’homme, et quel est l’homme assez hardi pour proclamer infaillibles ses pensées et celles de ses successeurs ? Comment Luther, par exemple, se serait-il proclamé infaillible, lui qui attaquait l’infaillibilité de toute l’Église ? Tout homme qui veut fonder une nouvelle religion, c’est-à-dire corrompre une ancienne religion, car nul que Dieu n’a fondé une religion sur la terre, tout homme qui a ce dessein se trouve tout à la fois dans la nécessité et dans l’impossibilité de se proclamer infaillible. S’il ne se proclame pas infaillible, lui et ses successeurs, il n’obtiendra pas la foi de ses propres sectateurs, il périra par le raisonnement, qui introduira dans sa doctrine une variation sans fin. S’il se proclame infaillible, il sera la risée de l’univers. Voilà pourquoi les faux inventeurs de dogmes se cachent au fond des temples, ensevelissent dans le mystère et sous des formes symboliques leur doctrine, ou bien invoquent le raisonnement, comme les hérétiques, et bâtissent sur ce sable mouvant des Églises éphémères, des dogmes fugitifs. L’Église catholique, en se proclamant infaillible, a donc fait ce qui est sans doute absolument nécessaire,