Page:Lacordaire - Œuvres du R.P. Henri-Dominique Lacordaire, tome 2 - Conférences de Notre-Dame de Paris.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

évêque qui gouverne pour l’amour de Dieu et le salut de ses frères ! »

En ce temps-là il y avait à l’abbaye de Cluny un moine nommé Hildebrand. Ce moine vit passer un évêque de Toul qui allait prendre possession de la chaire apostolique par le simple vœu de l’Empereur. Il ne put s’empêcher de lui dire qu’il n’était pas permis d’accepter la dignité pontificale des mains du pouvoir temporel, et que, s’il voulait relever la gloire du Saint-Siège, il se proposait, lui, Hildebrand, de le mener à Rome, et de le faire élire régulièrement par le peuple et le clergé. « Quoi ! s’écriait-il dans son indignation, la dernière femme du peuple peut épouser librement son fiancé, et l’épouse de Jésus-Christ ne peut librement choisir le sien ! » Hildebrand, après de longs services, monta enfin sur le trône pontifical, résolu d’en défendre la liberté jusqu’à la mort. Mais quelles armes employer pour l’affranchir ? Le martyre ? il ne donne qu’une force négative, une force de résistance et non d’attaque. L’alliance avec quelque grand prince ? aucun ne songeait à servir Dieu efficacement. Il fallait que Grégoire VII, en considérant attentivement les idées et les mœurs de son siècle, y découvrît le remède aux abus qui dévoraient la chrétienté : et ce remède, il le vit. Toute la féodalité reposait sur le serment, non tel qu’il est entendu aujourd’hui, mais sur un serment qui liait le cœur, l’âme, la vie, les biens, tout l’être humain. Grégoire VII comprit qu’en se donnant de la sorte, avec un si