Page:Lafargue - Le Droit à la paresse.djvu/13

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il resterait douze heures de travail pleines et entières. »

Douze heures de travail par jour, voilà l’idéal des philanthropes et des moralistes du dix-huitième siècle. Que nous avons dépassé ce nec plus ultra ! Les ateliers modernes sont devenus des maisons idéales de correction, où l’on incarcère les masses ouvrières, où l’on condamne au travail forcé pendant 12 et 14 heures, non seulement les hommes, mais les femmes et les enfants ![1] Et dire que les fils des héros de la Terreur se sont laissés dégrader par la religion du travail au point d’accepter, après 1848, comme une conquête révolutionnaire, la loi qui limitait à douze heures le travail dans les fabriques ; ils proclamaient, comme un principe révolutionnaire le Droit au travail. Honte au prolétariat français ! Des esclaves seuls eussent été capables d’une telle bassesse. Il faudrait vingt ans de civilisation

  1. Au premier Congrès de bienfaisance tenu à Bruxelles, en 1857, un des plus riches manufacturiers de Marquette, près de Lille, M. Scrive, aux applaudissements des membres du Congrès, racontait, avec la plus noble satisfaction d’un devoir accompli : « Nous avons introduit quelques moyens de distraction pour les enfants. Nous leur apprenons à chanter pendant le travail, à compter également en travaillant ; cela les distrait et les fait accepter avec courage ces douze heures de travail qui sont nécessaires pour leur procurer des moyens d’existence. » — Douze heures de travail, et quel travail ! imposées à des enfants qui n’ont pas douze ans ! — Les matérialistes regretteront toujours qu’il n’y ait pas un enfer pour y clouer ces chrétiens, ces philanthropes, bourreaux de l’enfance !