Page:Lafargue - Le Droit à la paresse.djvu/19

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Ô misérable avortement des principes révolutionnaires de la bourgeoisie ! ô lugubres présents de son dieu Progrès ! — Les philanthropes acclament bienfaiteurs de l’Humanité ceux qui, pour s’enrichir en fainéantant, donnent du travail aux pauvres ; mieux vaudrait semer la peste, empoisonner les sources que d’ériger une fabrique au milieu d’une population rustique. — Introduisez le travail et adieu joie, santé, liberté ; adieu tout ce qui fait la vie belle et digne d’être vécue[1].

  1. Les Indiens des tribus belliqueuses du Brésil tuent leurs infirmes et leurs vieillards ; ils témoignent leur amitié en mettant fin à une vie qui n’est plus réjouie par des combats, des fêtes et des danses. Tous les peuples primitifs ont donné aux leurs ces preuves d’affection : les Massagètes de la mer Caspienne (Hérodote) aussi bien que les Wens de l’Allemagne et les Celtes de la Gaule. Dans les églises de Suède, dernièrement encore, on conservait des massues dites massues-familiales, qui servaient à délivrer les parents des tristesses de la vieillesse. Combien dégénérés sont les prolétaires modernes pour accepter en patience les épouvantables misères du travail de fabrique !