Page:Lafargue - Le Droit à la paresse.djvu/34

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de la démoralisation que la bourgeoisie s’était imposée comme un devoir social, les prolétaires se mirent en tête d’infliger le travail aux capitalistes. Les naïfs, ils prirent au sérieux les théories des économistes et des moralistes sur le travail et se sanglèrent les reins pour en imposer la pratique aux capitalistes. Le Prolétariat arbora la devise : Qui ne travaille pas, ne mange pas ; Lyon, en 1831, se leva pour du plomb ou du travail ; les insurgés de Juin 48 réclamèrent le Droit au travail ; les fédérés de Mars 1871 déclarèrent leur soulèvement la Révolution du travail.

À ces déchaînements de fureur barbare, destructives de toute jouissance et de toute paresse bourgeoises, les capitalistes ne pouvaient répondre que par la répression féroce ; mais ils savent que s’ils ont pu comprimer ces explosions révolutionnaires, ils n’ont pas noyé dans le sang de leurs massacres gigantesques l’absurde idée du Prolétariat de vouloir infliger le travail aux classes oisives et repues ; et c’est pour détourner ce malheur qu’ils s’entourent de prétoriens, de policiers, de magistrats, de geôliers entretenus dans une improductivité laborieuse. On ne peut plus conserver d’illusion sur le caractère des armées modernes, elles ne se sont maintenues en permanence que pour comprimer « l’ennemi intérieur » ; c’est ainsi que les forts de Paris et de Lyon n’ont pas été construits pour défendre la ville contre l’étranger, mais pour l’écraser si elle se révoltait. Et s’il fallait un exemple sans réplique, citons l’armée de la Belgique, de ce pays de Cocagne du Capitalisme ; sa neutralité est garantie par les puissances européennes et