Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/179

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La nuit est tombée. On ne voit plus que la solitude de la campagne, on n’entend plus que la fraîcheur de la rivière. Ô nuit mémorablement attentive, allons !

Pan commence : « Ô mon hymne, développe-toi sur toi-même et non en avant, ainsi que le devra la conscience terrestre si elle ne veut rompre le charme et fermer à jamais les beaux yeux de Maïa la Confortable ! »

Et c’est d’abord des trilles funambules, lancinants, spasmodiques, dévergondés, qui jappent, puis s’épuisent et expirent en un pieux rosaire de guéri.

Alors s’élève une note isolée et tenue, calme comme un aérostat au-dessus de la foule des badauds.

Et c’est le chant, en kilomètres, pâle comme une romance de relevailles, soudain interrompu d’une lourde gamme comme une cloche dégringolant d’échafaudages trop hâtifs, puis démailloté et se développant en guirlande autour d’un piédestal attendant sa statue qui ne viendra heureusement jamais, au grand jamais.

Et, alors, pêle-mêle : introïts remontant au déluge, kyriés en caravanes sans eau, offertoires dans le marasme, oraisons morfondues et tombées bien bas, litanies trop faciles, magnificats entrant dans des détails, misérérés écumants, et stabat autour d’une crèche, autour d’une citerne où se mire Diane-la-Lune.

Pan s’essuie les lèvres du revers de la main, pose un instant sa flûte et se parle.

— Je suis tout seul : ma chanson est monotone, car je ne sais qu’aimer, et ma fiancée s’en étant allée, je ne sais que