Page:Lahor - Œuvres, L’Illusion, Lemerre.djvu/287

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Et des pêchers piquaient le ciel de leurs fleurs roses…
— J’allais ainsi, ravi par la beauté des choses,
Quand au seuil de la ville, assis près du chemin,
Un pauvre enfant aveugle, et qui tendait la main,
M’apparut, oh ! si maigre et pâle, si sordide,
Et morne avec ses yeux dont l’orbite était vide ;
Et ses yeux cependant se tournaient vers le ciel
Indifférent et d’un éclat surnaturel…
— Et je songeai, saisi d’une pitié profonde,
À ce vautour du mal toujours aux flancs du monde,
À ce fonds ignoré de muettes douleurs,
Qu’à nos regards jamais ne révèlent des pleurs,
À ces hasards créant la naissance des êtres,
À ces enfants punis du péché des ancêtres,
Aux horreurs de la vie, à ses iniquités,
À tant de châtiments qui sont immérités,
Et près de cet enfant martyr aux grands yeux vides,
Je ne regardai plus rire les flots splendides,
Ni sur la terre en fleurs flamboyer le ciel bleu,
Craignant qu’il n’y manquât la justice d’un Dieu.


Près de Cannes.