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Angéline paraissait moins inquiète lors du deuxième départ de Jacques qui eut lieu au milieu des acclamations des villageois, toujours de plus en plus admirateurs de celui qui revêtait maintenant à leurs yeux un caractère presque surhumain.

— Quand vous attendrai-je ? dit simplement, d’un air confiant, la courageuse jeune fille qu’était maintenant devenue Angéline.

— Samedi, avant le crépuscule, répondit Jacques d’un ton assuré ; mais ne vous inquiétez pas d’une journée ou deux de retard, ajouta-t-il en lui baisant la main.

L’avion prit son envolée directement vers le nord-est, où les signes de détresse étaient supposés avoir été vus, et disparut bientôt au-dessus de la forêt.

Antoine Marcheterre, qui avait été empêché par son état de maladie de se rendre sur la grève, s’était fait asseoir près de la fenêtre de sa chambre au dispensaire, pour être témoin du départ de son sauveur.

— Quel brave garçon ! disait-il à Antoinette Dupuis, que ce capitaine Vigneault. Heureuse sera la femme qui l’aura pour mari !

— Il est assez difficile de deviner qui jouira de ce bonheur, dit tristement la petite garde-malade. Il y a des personnes nées pour la chance. Quant à moi, je ne suis pas de ce nombre.

— Mais votre tour viendra ? répondit l’arpenteur un peu embarrassé en voyant qu’il avait chagriné la jeune fille.

— Oui, mais on n’aime réellement qu’une fois, vous savez, et j’ai aimé le capitaine Vigneault dès la première fois que je l’ai vu, et il n’a même pas daigné s’en apercevoir.

— Que voulez-vous ? il y a de ces fatalités dans la vie. On court après le bonheur et il nous échappe au moment où on croit le tenir ; ou bien on rencontre trop tard celui ou celle qui aurait vraiment fait notre bonheur.

— Je suis persuadée, moi, que le capitaine et Mademoiselle Guillou n’éprouveront pas ce désenchantement.