Page:Lallier - Angéline Guillou, 1930.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 125 —

— Donnez-lui une petite chance, souffla le bedeau à l’oreille du curé….

— Tais-toi, lui répondit le curé. Serais-tu de la bande de Satan ?

Il était neuf heures du matin… À quatre heures précises, on voit venir du côté de Contrecœur, courant comme un original et soufflant comme une baleine, la grand’noire qui n’en pouvait plus. Elle marchait tantôt sur ses grandes jambes, tantôt à quatre pattes ; mais toujours à une allure vertigineuse.

Elle arriva enfin toute ruisselante de sueur. La poussière du chemin qu’elle soulevait avec ses grands pieds s’était collée à sa figure et en faisait un spectacle horrible à voir.

— « Quoisque » vous me voulez, vous, l’homme en jupon ? dit-elle au curé en s’essuyant le front.

— Josette Sinotte, reprit le curé d’une voix sévère, je t’adjure au nom du Dieu Tout-Puissant, de délivrer cette enfant des griffes du démon de tes délices !

La grand’noire frissonna de tout son corps, en faisant toutes les contorsions imaginables.

— Josette Sinotte, fille de Satan, je t’adjure pour la deuxième fois de délivrer cette enfant des griffes de ton démon favori.

Pour toute réponse, la grand’noire sortit un grand poignard de son corsage et le brandit devant le curé en le menaçant. Elle dansait, s’agitait et gesticulait comme une forcenée.

— Josette Sinotte, fille de tous les diables, je t’adjure pour la dernière fois de délivrer cette bonne enfant de tous les démons qui la tourmentent ! Si tu t’obstines, je vais aller chercher le Saint-Sacrement.

À ces paroles la grand’noire poussa un cri rauque, comme le gémissement d’une bête féroce. Un bruit terrible de chaînes et de fourches de fer s’entrechoquant se fit entendre dans la pièce où se trouvait la jeune fille. Les meubles se replacèrent dans la maison, les habits se raccrochèrent dans les garde-robes et le linge éparpillé sur le plancher se replaça dans les armoires.