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l’Océan Pacifique, jusqu’aux confins des Laurentides qui aboutissent à l’Atlantique. Pas un ruisseau, pas une rivière, pas un lac, ni une montagne, ni une vallée qu’il n’eût explorés.

Il connaissait toutes les tribus sauvages de l’est comme de l’ouest du Canada, de même que tous les animaux à fourrure du pays. Pour se mettre au courant de la vie des animaux sauvages, il avait passé de grandes semaines dans les bois ou dans les plaines de l’ouest à les observer ; aussi était-il devenu un naturaliste célèbre. Vint un temps où il parlait aux bêtes féroces comme vous parlez à vos chiens de trait. Il n’y avait que les ourses-mères et les louves avec qui il ne faisait pas bon ménage. Les caribous, les orignaux et les chevreuils de nos forêts, de même que les bisons des plaines de l’ouest et les rennes des montagnes étaient ses amis.

Il était le guide recherché des millionnaires américains (qui n’étaient pas si nombreux qu’aujourd’hui), qu’il allait parfois chercher sur la rive sud au prix de mille difficultés. Nombreux sont les gens désemparés sur le golfe, qu’il a recueillis et sauvés du naufrage ; aussi, quand un personnage de marque venait faire la pêche ou la chasse au Canada, c’était à mon grand-père qu’il s’adressait.

Or, un jour, un baron français, homme fort riche et amateur de chasse dans les grandes plaines ou les grandes forêts, était venu au Canada pour faire la chasse au bison et à l’ours blanc. Ces animaux peuplaient alors les grandes plaines sauvages du nord-ouest habitées seulement par les naturels du pays et quelques métis.

Le baron de la Grange se fit conduire dans son yacht particulier chez mon grand-père à Godbout, et le pria de le guider à travers les plaines de l’ouest. Ce bon vieux avait presque renoncé aux voyages lointains ; sa famille commençait à grandir, et la sainte qu’était ma grand’mère éprouvait une telle inquiétude quand il partait pour ces longues randonnées, qui duraient parfois toute une année, qu’il avait décidé de ne plus s’éloigner. Le baron insista tellement et lui fit de si belles promesses, qu’il obtint le