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trois ans, qui m’apparaît ? demanda Sœur Saint-Vincent-de-Paul à demi-inconsciente.

— Vous n’êtes victime d’aucune hallucination, ma Sœur. Je suis ici eu chair et en os. Celui que vous croyiez irrémédiablement perdu est ici bien vivant et vous demande pardon d’être venu troubler votre quiétude, mais…

— Je vous en aurais voulu, Jacques, de n’être pas venu me voir après votre résurrection ; car, pour moi, vous êtes bien ressuscité d’entre les morts. Depuis trois ans que je prie pour le repos de votre âme !

— Vos prières n’ont pas été vaines, car au lieu de sauver mon âme, vous avez sauvé ma vie.

— Voici, dit-elle, le dernier souvenir qui me restait de vous, en lui montrant l’hélice de son aéroplane qu’une petite Sœur avait enchâssée en l’honneur du plus grand bienfaiteur de la communauté. Elle lui raconta en détail comment elle était venue en possession de ce précieux objet et ajouta : Je brûle du désir de vous entendre raconter comment vous avez échappé à la mort.

— Mon histoire est longue, Mère, dit Jacques, dont la voix tremblait d’émotion, et il vous faudra peut-être un peu de patience pour m’écouter jusqu’au bout.

— Parlez, capitaine ! Tout ce que vous pourrez me raconter à votre sujet ne pourra que m’intéresser, dit la religieuse en lui désignant un siège.

— Eh bien ! voici, dit Jacques en s’asseyant, le récit de mon aventure. Comme vous le savez, j’ai quitté la Rivière-au-Tonnerre dans mon avion, le matin du premier lundi de septembre, pour me rendre à la chute mystérieuse. Pendant quatre jours tout alla bien, quand, le soir du cinquième, après avoir travaillé toute la journée et chargé autant du précieux métal que mon hydravion pouvait porter, je partis pour la grotte de Gethsémani pour y déposer mon fardeau. Une fausse manœuvre me précipita dans une touffe de grands sapins au sortir de la chute que je survolais pour m’orienter. Je réussis cependant, avec une hélice avariée, à amerrir dans un petit lac situé à proximité de la chute. Je réparai l’hélice tant bien que mal,