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Puis les derniers sons de leur chant se confondant avec le bruit des rames, se perdaient dans le lointain.


V


La mère Guillou, de vingt ans plus jeune que son mari, était née à la Rivière-au-Tonnerre. Jolie sans être belle, elle possédait un certain degré d’instruction et élevait bien ses enfants. Économe et travailleuse, elle confectionnait de ses mains les étoffes servant à l’habillement de ses huit garçons et de ses six filles, avec de la laine du pays achetée à bon compte sur le marché de Québec. Elle cardait, filait et tissait la laine, souvent après que ses enfants étaient couchés, par les longues soirées d’hiver, pendant que son mari était à la chasse dans les bois. Il lui était impossible de faire ce travail durant l’été, devant surveiller le séchage de la morue pendant que son mari prolongeait sa pêche au large.

(La terre ingrate de cet immense territoire, grand comme la France, s’étendant des Sept-Îles au sud, à la Baie d Ungava au nord et jusqu’au Labrador à l’est, ne peut nourrir ses habitants, à cause de la saison trop courte de l’été et de la nature aride de son sol. Il leur faut s’approvisionner au dehors des denrées et matières nécessaires à la vie. Cependant, avec force mélange de sable et d’humus quelques-uns réussissent dans la culture potagère ; les plus patients parviennent à cultiver des fleurs au moyen de multiples transplantations ; mais ce ne sont que les entreprenants qui s’y hasardent et que les persévérants qui ont du succès).


VI


Le petit bateau de la poste continuait paisiblement et lentement son chemin. Une douce brise caressante de juin soulevait de légères vagues qui venaient en cadence