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penser qu’elle serait le sujet de la conversation après son départ.

— C’est vous avoar baaocoup de jeunes filles comme ça dans vôtre péi ? dit l’Américaine qui se piquait de parler le français de Paris, en s’approchant d’une femme du pays ; on avoa dite à moa que les habitantes de vôtre péi étaa des demi-sauvages.

La réponse à une question si impertinente ne se fit pas attendre. Celle à qui elle s’était adressée, lui répondit d’un air bien tranquille et sans avoir l’air offensée :

— Voyez-vous, Madame, par chez nous les fleurs ça ne réussit que par la transplantation. On a transplanté celle-ci et ça a bien réussi. On en transplantera d’autres, et ça réussira de la même manière. Si toutes nos fleurs ne brillent pas d’un si vif éclat, c’est qu’elles n’ont pas eu l’avantage comme celle-ci de s’épanouir au grand soleil de nos pensionnats. Nous avons de ces fleurs en quantité, Madame, et si la générosité de quelque millionnaire américain voulait s’exercer avec avantage, il pourrait employer sa fortune à la diffusion de nos couvents, ce qui exempterait vos concitoyens de voir des sauvages un peu partout quand ils sortent de leur pays.

L’Américaine se le tint pour dit et ne hasarda pas d’autres questions. Elle dit à sa voisine d’un air de triomphe :

I understood every word she said !

Wonderful ! Wonderful ! dit sa voisine ébahie. Et dire qu’ils ne parlent pas le parisian french. Vous avez certainement le don des langues !

Elle n’eut cependant pas l’air de traduire la réponse de la femme du pays à sa voisine.


VIII

LA FAMILLE GUILLOU


Le lendemain au petit jour, la sirène annonçait l’arrivée à la Baie-des-Cèdres, premier port d’escale.

L’heure matinale n’empêcha pas la population presqu’au complet d’être présente au quai pour assister à l’arrivée