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— Que vous êtes bon, Monsieur le Capitaine !

— On va faire retentir la sirène de loin pour ne pas trop les surprendre ; car tu sais que la mère est impressionnable, dit avec bonhomie le vieux capitaine qui s’intéressait de plus en plus à Angéline.

— Oh ! que c’est aimable de votre part ! Je n’oublierai pas mon Ave Maria.

— C’est ça. C’est très bien. C’est encore la meilleure monnaie que tu puisses m’offrir sur mes vieux jours.

Ces deux heures parurent bien longues à Angéline qui se tenait sur la proue du navire, comme si cela l’eût rapprochée d’autant de son village. Tous les passagers vinrent tour à tour exprimer leurs regrets de perdre une aussi agréable compagne qu’ils considéraient, à juste titre, comme leur sauvegarde.

La sirène annonça enfin la Rivière-au-Tonnerre. Le soleil, qui avait disparu derrière les montagnes, baignait encore au loin ses reflets dans une mer calme ; et c’est au crépuscule d’un beau soir de juin qu’Angéline fit ses adieux à ses compagnons et compagnes de voyages.

Parmi les petites barques venant du rivage à la rencontre du navire, elle essayait de distinguer celle de son père et s’attendait à le rencontrer au bateau, peut-être accompagné de sa mère ; mais elle apprit bientôt par l’aîné de ses frères, qu’elle reconnut cependant avec joie, la cause de son absence.

Le bagage placé sur la barque, celle-ci s’éloigna tranquillement du navire.

— Tu as l’air bien triste, petite sœur, ne put s’empêcher de dire André Guillou qui avait lu sur la figure d’Angéline tout le désappointement qu’elle éprouvait de ne pas voir son père au bateau.

— Peut-être un peu, André ! Vois-tu… je… croyais rencontrer mon père, et j’ai été un peu désappointée, tu comprends.

— Je te comprends très bien, petite sœur, mais maman n’est pas très bien depuis deux jours et papa n’a pas osé la quitter.