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Des larmes abondantes coulèrent des yeux d’Angéline pendant la lecture de cette lettre si remplie d’affection maternelle. Ses années de pensionnat repassèrent l’une après l’autre dans sa mémoire, depuis son arrivée au couvent où l’avait conduite le capitaine Bouchard ; son entrée timide dans cette imposante maison ; la première rencontre avec ses compagnes qui la regardaient toutes avec un air de curiosité, où elle avait failli éclater en sanglots tant elle se sentait intimidée ; ses premiers succès en classe où les rieuses cette fois furent de son côté ; la création d’amitiés solides dans une atmosphère de confort où l’on jouissait du chauffage à la vapeur, de l’éclairage à l’électricité et de mille autres commodités qui étaient absentes de la Rivière-au-Tonnerre et de l’humble demeure des Guillou en particulier. Elle fut prise du désir de retourner à Sillery par le premier bateau du printemps ; mais elle se ressaisit bientôt en pensant au devoir qu’elle avait accepté et résolut de l’accomplir jusqu’au bout.

La lettre de sa digne mère Supérieure rappelait en effet à Angéline que la fête de Noël était à la porte. Cette fête, qui revêtait à son Alma Mater des airs de solennelle grandeur, allait-elle renouveler ici, dans son cher village, les mêmes sentiments de piété et de naïve admiration qu’autrefois ? L’humble crèche de la petite église blanche représentait certainement le même événement que les splendeurs de la chapelle du couvent de Sillery, mais allait-elle y trouver les mêmes jouissances que jadis ?

Elle se remémorait pourtant toute la poésie d’une messe de minuit dans ce hameau solitaire, situé au bord du grand golfe, mer intérieure presqu’aussi grande que la moitié de la Méditerranée et fermée six mois de l’année à la navigation. Un hameau sous la neige dont rien ne vient altérer la blancheur immaculée, éclairé par les reflets d’argent d’une pleine lune de décembre, sous un ciel serein, scintillant d’étoiles et se mirant dans une mer bleue ; le seul bruit perceptible : celui des vagues venant se briser doucement sur le rocher toujours nu du rivage et caressant son oreille attentive.