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regardant un jour dans son miroir, elle se demandait, si Gabriel la voyait, s’il l’aimerait encore.

Elle continua à soigner les malades dans le Far West américain et c’était comme voir venir un ange quand elle venait vers eux pour soigner leurs plaies.

Un jour, v’là une épidémie qui se déclare ! et l’hôpital qui commence à se remplir de malades. Il y en avait dans tous les corridors et jusque dans la cuisine. Enfin on dut convertir l’église en hôpital.

Parmi les malades, un homme brisé par la misère et la fatigue, portant une longue barbe, requit les soins de la bonne Évangéline. Gabriel ! qu’elle s’écria en le voyant, mais il ne put lui dire une seule parole. Ses yeux cependant firent croire à Évangéline qu’il l’avait reconnue avant de mourir.

Après sa mort, on enterra ce pauvre Gabriel dans le cimetière près du couvent où Évangéline allait souvent prier sur sa tombe.

— Mes enfants, cette histoire d’Évangéline, écrite en anglais par le grand poète américain Longfellow, est aussi l’histoire de la dispersion des Acadiens, ou du grand dérangement, comme on appelait cela dans notre temps.

— Merci, père Comeau ! firent tous les enfants à l’unisson, les yeux pleins de larmes, touchés au récit de cette navrante histoire.

Angéline, tout en raccommodant un filet dans un coin de la maison, n’avait pas perdu un mot de la narration, faite dans le langage du terroir, de cette triste épopée du peuple acadien. Elle descendait elle-même de l’une de ces familles éprouvées qui avaient réussi à force de courage et de persévérance à se rapprocher un peu de leur pays d’origine et qui avaient enfin échoué à la Rivière-au-Tonnerre. Elle se faisait la réflexion en elle-même, que, si pareil malheur lui arrivait, c’est dans le fond d’un cloître qu’elle irait pleurer son malheur.