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demandant si elle était victime d’une hallucination. Elle se frotta les yeux, ajusta sa lunette et vit qu’elle ne rêvait pas.

Que venait faire dans cette galère ce grand oiseau mécanique à cette saison de l’année ?

— Je vais aller prévenir Monsieur le Curé ! se dit-elle à elle-même, parlant presqu’à haute voix.

Elle partit d’un pas précipité vers le presbytère et entra même sans frapper, toute confuse de sa gaucherie.

— Je vous demande bien pardon, Monsieur le Curé, mais… venez donc voir…

— Vous avez l’air bien surexcitée, Angéline, y aurait-il quelqu’un de malade chez vous ?

— Non,… non,… Monsieur le Curé ; mais il y a un aéroplane qui semble se diriger en droite ligne sur le village ; il est même à une vingtaine de milles d’ici.

— Saprelotte ! serait-ce déjà le capitaine ?… marmotta le curé entre ses dents, tout en se précipitant à l’extérieur.

— Vous attendez un capitaine, Monsieur le Curé ? reprit Angéline toute nerveuse.

— Non,… non,… je n’attends personne, mais ça pourrait bien être… Saprelotte ! je vais me rendre sur la grève en tout cas pour voir qui ça peut bien être.

— Je vais avertir Antoinette, Monsieur le Curé ?

— C’est ça,… c’est ça, reprit vivement le curé, comme soulagé du départ d’Angéline.

Elle a failli me faire compromettre, mais heureusement elle est partie. Pourvu que ce ne soit pas déjà lui !

Comme le grand oiseau, les deux ailes déployées, approchait rapidement, on distingua bientôt la forme d’un hydravion. Les commères ne tardèrent pas à faire leur apparition sur la grève pour être témoins du spectacle peu banal qui s’offrait à elles.

— « Queulle » sorte de bête que « c’étâ ? » dit Marguerite Brindamour à sa compagne.

— C’est un marsouin des airs ! cria un gamin de toute la force de ses poumons.