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le temps faisait son œuvre, chassant graduellement sa mélancolie. Jean-Baptiste Benoit entr’autres, qui se piquait d’être le plus beau gas du bourg, tenait habituellement le haut du pavé quand il s’agissait de faire la cour aux demoiselles ; mais il se sentait toujours mal à l’aise quand il se trouvait en présence d’Angéline. Quoiqu’il fût naturellement spirituel, il semblait perdre ses bons mots. Ses compagnons se moquaient de lui, en lui disant qu’il avait le trac, et qu’il était pris au cœur. Il se défendait du mieux qu’il le pouvait, sans cependant oser l’avouer ni le nier, de crainte que la jeune fille ne réponde pas à ses avances et d’être ensuite l’objet des railleries de ses compagnons.

Une occasion fortuite se présenta cependant d’ouvrir son cœur à celle qui avait été la compagne de son enfance et qui avait semblé lui témoigner plus d’attention qu’aux autres jeunes gens.

Un jour qu’Angéline arrosait amoureusement son petit jardin de fleurs qu’elle avait réussi, à force de transplantation et de soins minutieux, à rendre attrayant, au grand étonnement des vieux habitants qui n’en pouvaient croire leurs yeux en voyant un si bel étalage de fleurs en plein air, passa Jean-Baptiste coiffé d’un chapeau à la mode des pêcheurs, s’en allant à sa barque pour y préparer ses agrès de pêche pour le lendemain. Arrivé près de la demeure des Guillou, il s’arrêta près de la jeune fille. Comme elle avait le dos tourné il l’observait en silence. Les forces faillirent lui manquer quand elle se retourna de son côté.

— Bonjour,… Angéline, fit-il d’un air gauche.

— Bonjour, Jean-Baptiste ! Quel bon vent t’amène si matin de ce côté ?

— Je viens gréer pour la pêche.

— Pars-tu ce matin ?

— Non, mais le temps s’annonce beau pour demain et je veux être prêt. Il ne faut pas perdre l’occasion de reprendre le temps perdu, maintenant que le capitaine Vigneault nous a délivrés des marsouins. Il faut… que…