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Comme complément, deux sauvages de Natashquan, de la tribu montagnaise, attendaient aussi le départ du navire.

Sur la figure des pêcheurs de la Côte, qui se distinguent à leur teint bronzé par l’air vif et salin du Golfe, rayonnait la joie de retourner vers leur pays lointain et aimé. Les Américains et Américaines pour qui tout ce qu’ils voyaient était nouveau et révélateur, avaient plutôt l’air d’écoliers en vacances. Les commis-voyageurs et les officiers du gouvernement paraissaient cependant indifférents à ce spectacle tant de fois répété. Les passagers d’entrepont, rudes gars des chantiers du Nord : Bûcherons, tâcherons ou conducteurs de chevaux, ajoutaient au pittoresque de cette mêlée de gens si différents, par le costume, les manières et le langage.

Les Américaines en culottes, cheveux courts, au maintien négligé et nonchalant de gens qui ne savent trop que faire de leur personne, babillaient comme des pies. Les femmes de la Côte, à la structure osseuse et forte, revêtues de leurs robes neuves de couleurs voyantes achetées aux magasins de Québec au cours de leur voyage, et qui leur donnaient une certaine élégance, regardaient d’un air amusé les sans-jupes américaines, montrant sans scrupule leurs mollets multiformes.

Cette cohue se promenait sur le pont, au milieu d’un chargement de marchandises des plus variées : Depuis les puissantes pièces de machinerie servant à la confection du papier, jusqu’à l’humble botte de foin destinée à la nourriture des animaux dans les chantiers disséminés çà et là le long de la Côte, de la Baie-des-Cèdres aux Sept-Îles. Pêle-mêle, un troupeau de vaches, des cochons, des moutons ; quelques oiseaux de basse-cour, puis deux renards argentés, dans une cage, épiant de leurs yeux inquiets cette agglomération si disparate.

Les derniers sacs contenant les matières postales étaient placés en lieu sûr par le boursier du navire ; les têtes de puits se fermaient ; les grues, remettaient en place les mâts de chargement ; la vapeur sous pression s’échappait avec bruit. Tout indiquait, au mouvement fébrile des