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et par surcroît de mes compatriotes, qui sont bien un peu les vôtres, puisque le même sang coule dans nos veines. Je ne vous dis pas adieu, mais au revoir. J’établis mes quartiers généraux pour mes recherches ici, et c’est ici qu’avec l’aide de Dieu je ramènerai mes confrères perdus dans nos immenses forêts. Pardonnez si je quitte cette salle, car je commence mes préparatifs de départ immédiatement.

Tous les yeux se tournèrent vers cette pauvre Angéline, quand Jacques se dirigea de son côté pour lui confier ce qu’il avait à lui dire avant son départ. Il lui parla longtemps à voix basse.

— Je serai forte, Jacques ! fut tout ce que l’on entendit de la conversation intime entre les deux amoureux.

La fête perdit naturellement de son entrain après le départ de Jacques. Un groupe entoura bientôt Angéline pour la consoler. Elle se montra forte, en effet, car pas une seule larme ne coula de ses yeux, quoique le rouge sur sa figure exprimât la douleur intense qu’elle ressentait à l’intérieur d’elle-même.

Chacun commentait l’incident à sa manière.

— Si ces Français-là sont dans nos bois, disaient les uns, le capitaine Vigneault est l’homme pour les retrouver.

D’autres disaient : C’est pas la peine de risquer la vie d’un homme comme le capitaine Vigneault pour courir après des moulins à vents (sans calembour).

— Les brouillards sont fréquents à cette saison de l’année, disaient plusieurs, et les lacs sont peut-être gelés à l’intérieur de la forêt : ce qui rendra l’amerrissage difficile.

Le capitaine, n’écoutant que son courage, fit ses préparatifs de départ durant la nuit pour ne pas être en retard.

Il alla de bon matin faire ses adieux à Angéline qui lui manifesta bien son inquiétude ; mais connaissant le caractère déterminé de Jacques, elle n’essaya pas de le dissuader de sa tentative.

— Je serai de retour dans trois jours, dit-il, comme il sortait avec Angéline, qui l’accompagna à la messe basse où ils communièrent ensemble.