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XIII


Le capitaine, qui était parti le mercredi, avait fixé son retour pour le vendredi, croyant avoir le temps de parcourir tout le terrain qu’il s’était assigné au moyen d’une carte géographique qu’il avait apportée avec lui de Québec ; mais le samedi passa sans que l’avion si impatiemment attendu parût à l’horizon.

— Bien sûr qu’un malheur est arrivé, pensaient tous les habitants du village.

Le curé seul avait confiance ; mais se doutant bien de l’anxiété que devait éprouver Angéline, il alla la rassurer.

— Ce n’est qu’un contretemps, disait-il. Vous verrez qu’il ne sera pas tard demain qu’il aura amerri.

Angéline ne répondait rien aux paroles du curé, rassurée par ses paroles d’encouragement ; mais son âme était trop troublée pour trouver une réponse ou un argument qui eût pu la rassurer elle-même.

L’aurore du samedi matin surprit Angéline à la fenêtre de sa chambre donnant sur le nord. Elle avait prié une partie de la nuit les bras en croix, croyant saisir, au clair de la lune, le moindre petit point noir ou une lumière lui annonçant que l’avion de Jacques s’avancait vers la Rivière-au-Tonnerre. Elle se tint ainsi pendant de longues heures scrutant l’horizon, malgré la fatigue que lui causait cette longue attente, quand, vers les trois heures de l’après-midi, elle crut distinguer le bruit d’un aéroplane, mais qui venait dans la direction opposée d’où elle l’attendait. Ayant tout de même reconnu l’avion de Jacques elle courut, plus morte que vive, au rivage. Ce dernier, qui la croyait chez elle, alla survoler deux fois la maison pour lui annoncer son arrivée et fut très surpris de ne pas la voir sortir pour le saluer. Il continua son chemin et alla amerrir à la même place que lors de sa première arrivée à la Rivière-au-Tonnerre.