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retardait indéfiniment mon départ et aggravait nécessairement ma maladie.

Comme les rivières ne gelaient pas, je n’ai pu me procurer la glace qui aurait été nécessaire au soulagement de mon mal. Force nous fut donc d’attendre à tout risque. Or, hier après-midi, pendant que je sommeillais, mon guide entre précipitamment dans ma tente et me dit tout effaré : Viens voir le Grand-Esprit qui passe ! Je me traîne tant bien que mal en dehors de ma tente, plantée sur le bord d’un lac et je vois l’avion survoler au-dessus de nos têtes. Je n’ai pas pris le temps d’expliquer au sauvage ce qu’était ce Grand-Esprit, mais je fis immédiatement des signes de détresse qui furent aperçus du capitaine. Il vint à ma grande joie amerrir sur le lac, tout près de ma tente. J’appelai Sawi ; mais il était disparu, s’étant enfui dans la forêt à la vue de l’avion. Je me traînai donc jusqu’au seul canot qui nous restait et, l’ayant délivré de son amarre, je lui donnai une poussée vers l’avion et il fila droit comme une torpille vers le but visé.

— Ne craignez rien, criai-je au capitaine, il n’est pas chargé.

— Tant mieux, me répondit-il, je le chargerai moi-même.

Deux coups d’aviron, et il était revenu à terre.

Angéline porta vers Jacques un regard d’admiration.

— Ne fardez pas la pilule, dit Jacques en badinant.

— Le capitaine, continua l’arpenteur, m’apprit l’objet de ses recherches.

Je suis marri, lui dis-je, de vous avoir détourné de votre but.

— Mais non, me répondit-il ; une vie en vaut une autre ! J’étais venu sur des hypothèses et je me trouve en face d’une réalité. Faites vos préparatifs, et demain matin au petit jour nous partons.

— Et votre guide ? questionna Angéline.

— Mon guide ? Il avait pris la fuite, comme je vous l’ai dit tout à l’heure ; il ne revint que fort tard dans la soirée et entra furtivement sous la tente.